Du bonheur à revendre…

Une belle délégation alsacienne (21 judokas) s’est rendue en région Poitou-Charentes ce week-end des 2 & 3 juillet 2016 pour y disputer les championnats de France de judo adapté. Dans le complexe sportif universitaire de Poitiers, flambant neuf, quatorze de nos vaillants combattants récoltent une médaille nationale (8 en or, 2 en argent et 4 en bronze), non sans avoir bataillé dur et fait preuve d’une belle détermination…

Il fallait vouloir les chercher ces belles médailles…

Ils peuvent être fiers nos compétiteurs alsaciens. Traverser la France pour aller chercher une breloque de métal relève bien souvent, pour ce public, de l’exploit. Une véritable aventure humaine, tant pour les sportifs que pour les accompagnants (éducateurs, professeurs de judo, parents). Quatre associations (deux du Bas-Rhin et deux du Haut-Rhin) ont plié bagages ce vendredi 1er juillet, voir même la veille, pour se rendre à l’autre bout du pays. L’occasion, comme toujours, d’en profiter pour faire du tourisme, et rendre le séjour le plus distrayant possible. Certains sont allés faire trempette dans l’océan, pas très loin, d’autres ont encouragé des basketteuses internationales sur la place de l’Hôtel de Ville de Poitiers, tout en sirotant une bonne bière, forcément. D’autres encore, plus sages assurément, ont préféré visiter le Futuroscope, histoire de décompresser et préparer au mieux l’échéance sportive. « Comme les valides, nos judokas connaissent le stress et la peur », explique Said CHEBAB, responsable de la commission sportive départementale (67), présent avec son groupe des Vosges du Nord. « Il faut les rassurer en permanence, c’est important ». Quoi de mieux en effet, que de sortir de la routine, voir autre chose, pour apaiser les tensions et maintenir une ambiance joyeuse. « Ils prennent ce déplacement très à cœur ! Depuis plus d’un mois, ils se réjouissent de partir. Tous étaient très excités, tout feu tout flamme ! Et de savoir qu’on allait au Futuroscope, ça les a grandement motivés… ».

Les huninguois ont assisté à du très haut niveau en basket (ici, une rencontre Italie/Espagne, qualificative pour les championnats d’Europe 3×3)

Question organisation de ce championnat, et pour la toute première fois, les trois divisions étaient séparées, et réparties sur une journée et demie (3ème division le samedi matin, 2ème division le samedi après-midi, et 1ère division le dimanche matin), offrant une gestion plus facile, tant pour les organisateurs (C.D.S.A. 86 et Ligue A.L.P.C. Judo), que pour les associations participantes. Sur le terrain, tout est mis en œuvre pour rendre la manifestation attrayante, et la moins contraignante possible. « On a commencé à travailler sur ces championnats il y a trois ou quatre ans avec le C.D.S.A. (Comité Départemental du Sport Adapté) », explique le président du C.D. 86 Judo, Jérôme BRETAUDEAU. « Nous tenions à solliciter, sur cette manifestation, nombre de collégiens judokas. Pour eux, cela constitue une sacrée expérience. Tous sont compétiteurs, cela leur permet de voir ce qu’est vraiment une compétition, surtout de cette envergure, et de voir l’envers du décor. De plus ici, ils découvrent une autre population, c’est enrichissant pour eux. Ils se donnent à cœur pour les aider, cela va leur servir, et leur permettre de comprendre certaines choses…».

Sur le tapis et en dehors, dans les vestiaires et les couloirs, les collégiens s’en donnent à cœur joie, pour guider et accompagner les combattants du mieux que possible. Les judokas, eux, vivent leur compétition, tout simplement, non sans quelque appréhension, comme tout le monde. « Un petit câlin parfois, remet les choses en place », précise Saïd. « Cela les met ou remet en confiance. En plus, la présence de certains parents apporte un plus. Ces derniers n’hésitent pas à se déplacer pour suivre leurs enfants. Et quand, derrière, il y a une médaille, c’est fabuleux ! ».

Roman SELIG pas peu fier de sa médaille d’or !

Sur le plan sportif, l’Alsace, et son responsable du judo adapté, Frédéric STEINMANN, peut être fier du travail accompli. Chaque année en effet, nombre de médailles échoient à nos combattants. Le résultat et le fruit d’un gros travail effectué en amont, tant dans les structures de sport adapté que dans les clubs de judo qui accueillent ce public si particulier. L’association de l’Envolée de Lutterbach / Judo-Club Mifune Richwiller (68) réalise une véritable razzia, remportant à elle seule pas moins de six titres, plus une médaille de bronze. De quoi ravir les judokas, pas peu fiers de leurs prestations. « Ca me fait drôle d’être champion ! », explique Roman SELIG, vainqueur en – de 60 kg. « Je suis content d’avoir ce titre, d’autant plus que c’est le premier. Ce n’était pas trop difficile pour moi aujourd’hui, j’ai gagné facilement. Je me suis bien battu surtout. Mais je suis très fier de cette médaille d’or ! Je vais la montrer à mes parents en rentrant, cela va leur faire très plaisir ! ». « Ce titre, c’est vraiment super ! », explique Jimmy GODET, champion de France en – de 81 kg. « J’ai travaillé pour cela, je me suis très bien entraîné pour y arriver. J’ai eu un peu de mal lors de mes combats, mais j’ai quand même bien réussi. En fait, j’avais envie de gagner aujourd’hui, pour faire plaisir à ma famille, à Estelle (GASSER) et Jean-Paul (HOPPE), mes entraîneurs, qui donnent beaucoup pour moi toute l’année ! ». Et n’il n’était pas peu fier justement, Jean-Paul HOPPE, également responsable départemental (68) du judo adapté. « Gagner autant de médailles, c’est magnifique ! », se réjouit l’intéressé. « Je suis très satisfait de nos judokas. Tous ont pu s’exprimer, et faire leur judo. Je suis surtout content du travail effectué toute l’année. Nos sportifs ont tenu le rythme malgré tout, ont persévéré, et ont montré qu’ils étaient capables d’aller chercher une médaille. C’est cela qui est vraiment remarquable. Cela fait du bien, et donne envie de continuer à s’investir pour eux… ».

Jimmy GODEY était déterminé dans sa quête de victoire !

Le Judo-Club des Vosges du Nord (67) récolte lui aussi trois magnifiques médailles (deux en or, et une en bronze). La plus belle, sans doute, celle de Julie FRITZ, victorieuse en – de 70 kg. « Etre championne, ça fait du bien ! », précise l’intéressée. « L’an dernier, je n’avais que du bronze, et aujourd’hui, c’est l’or que je remporte ! Il faut dire que je me suis beaucoup entraînée pour cela, je voulais faire quelque chose ici à Poitiers. En tout cas, je suis très contente de cette médaille ! Je vais l’accrocher dans ma chambre, c’est trop bien ! ».

Julie FRITZ a bataillé dur, mais s’est fait plaisir !

Un résultat qui ne surprend pas son entraîneur de club, Saïd CHEBAB. « C’est son troisième championnat de France à Julie ! Le premier, elle n’a rien fait. L’an passé, elle termine troisième, et cette année, elle fait première ! Cela récompense son investissement personnel, mais aussi celui de ses parents ! ». Et de préciser, « on oublie souvent que ce sont les parents qui sont derrière, pour les emmener et les soutenir. C’est aussi une victoire pour eux, pour le club et pour tout le monde. Julie mérite ce titre, il ne lui est pas tombé du ciel. Malgré son handicap, elle a travaillé pour réussir et préparer cette échéance nationale du mieux que possible. Gagner lui tenait à cœur, et aujourd’hui, c’était son jour à elle ! ».

En présence de sa famille, Anne-Lise KETTERER s’est surpassée pour chercher une médaille !

L’association Bulle d’Air / Judo-Club Kano Huningue (68) n’avait que trois représentants. Deux remportent une médaille, en bronze pour Samir AKRIMI en – de 90 kg, et en argent pour Anne-Lise KETTERER, en – de 48 kg. Cette dernière, malgré la cinquantaine passée, s’est montrée particulièrement combative, bien décidée à ne rien lâcher, même face à des adversaires beaucoup plus jeunes. « Je veux gagner, je veux gagner ! », martelait la combattante quelques jours avant la compétition. Toutefois, sa belle détermination ne lui suffira pas, dans l’ultime rencontre, pour faire la différence, face à une adversaire nettement plus réactive. Mais la médaille d’argent obtenue, à grands coups de o-soto-gari/hon-gesa-gatame, suffit à son bonheur. « Je suis très contente de ma médaille ! », explique la combattante à sa descente de podium. « Je viens de la montrer à ma sœur, son mari, mes nièces et mes neveux, ils sont très fiers de moi ! ». Ces derniers, installés dans la région, en ont profité pour venir lui rendre visite, et la soutenir dans sa compétition. Une source d’énergie non négligeable, pour cette formidable attaquante ! « Elle m’a vraiment épatée aujourd’hui ! », précise Françoise MIEHLE, assistante « judo » lors des séances techniques dispensées au dojo de Huningue. « Anne-Lise dispose d’une volonté incroyable ! Elle y va, malgré son handicap, son âge et son gabarit de poche, sans se poser de question. La présence de sa famille ici l’a vraiment boosté, et l’a rendue encore plus redoutable que d’habitude ! ».

Formidable Matthieu GRASMICK qui, bien qu’aveugle, atteindra la finale des – de 73 kg !

Du côté de l’association Judo-Club Dorlisheim / Still (67), la satisfaction était de mise. Et pour cause. Cinq compétiteurs engagés, et deux médailles au compteur, celle d’argent de Matthieu GRASMICK en – de 73 kg et celle en bronze de Florence PHILIPP en – de 70 kg. Des médailles qui valent de l’or, pour ce groupe composé exclusivement… d’aveugles ! Une performance d’autant plus remarquable, qu’ils étaient les seuls de cette déficience sur ce championnat. « Je les ai sentis très bien sur cette compétition ! », reconnait l’un des entraîneurs de cette section, Renaud CHEVENTRE. « Des petites choses encore à travailler, au niveau des placements et des déséquilibres. Après, on a tout de même bien progressé par rapport aux championnats de France de l’an dernier. Surtout sur les contres, mais aussi au sol. Le fait d’accrocher la jambe lors d’une immobilisation, pour temporiser le fait qu’ils se fassent prendre et qu’ils perdent là dessus. Pour moi, le bilan est très positif, et tous se sont bien battus ! ». Dans le groupe, l’ambiance est chaleureuse et très fraternelle. La clef, sans aucun doute, de leur réussite. « Ils se connaissent depuis pas mal d’années », complète Renaud. « Les épreuves les rapprochent, et le fait qu’ils soient aveugles n’est pas chose aisée. Sur ces championnats, on voit pas mal de handicaps différents, mais il y a très peu d’aveugles. Ils compensent beaucoup avec leurs autres sens, l’affectif tient également une place prépondérante. On essaye vraiment de les conditionner et de faire en sorte qu’ils soient le moins stressés possible, et qu’ils ne se focalisent pas sur leurs peurs. Cela a très bien fonctionné, on a des résultats meilleurs que l’an passé ! C’est encourageant en tout cas, et je suis très fiers d’eux ! ».

Stéphanie POSSAMAÏ, ravie des rencontres et du niveau…

Dans un coin de la salle, l’œil bienveillant de la toute nouvelle coordinatrice technique régionale (région A.L.P.C. / Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes), Stéphanie POSSAMAÏ, scrute les combattants, non sans un certain amusement. L’ancienne médaillée olympique, sixième dan, savoure. « En tant qu’ancienne athlète de haut-niveau, je découvre une autre population, qui est vraiment très intéressante ! », précise la championne, quelque peu impressionnée par l’enthousiasme de ces judokas. « J’ai pu voir de très beaux combats aujourd’hui, malgré une organisation très lourde parfois. J’ai observé de très beaux seoi-nage entre autres. Il y a du beau judo, de belles actions, et des gens qui ont envie de partager le judo. J’ai vraiment beaucoup de plaisir à découvrir ces championnats ! C’est un univers que je n’ai découvert que récemment, par mon compagnon, qui s’est investi sur ce public là. On y trouve des gens avec un énorme cœur, qui ont envie de faire cette discipline. De voir tous ces sourires, c’est agréable. J’ai aussi pu remettre des médailles, et de constater l’engouement qui règne autours d’eux, c’est vraiment super ! ».

Nos alsaciens, eux, peuvent exulter. Dans une ambiance empreinte de fraternité, tous ont fait preuve d’un courage remarquable, face à une adversité certaine d’une part, mais aussi pour se surpasser. Une belle leçon d’humilité et d’abnégation, qui ne laisse personne indifférent. Avec, au bout, quelque soit le résultat, du bonheur et des sourires à revendre…

Résultats des alsaciens sur cette édition 2016 :

Médaillé(e)s d’or : – de 48 kg (D2) Nelly DELORENZI (Judo-Club Vosges du Nord), – de 70 kg (D3) Julie FRITZ (Judo-Club Vosges du Nord), + de 70 kg (D3) Fiona RENNER (voir article spécifique D.N.A., édition régionale), + de 78 kg (D3) Ines BAUDIC, – de 55 kg (D3) Roman SELIG, – de 60 kg (D3) Okhan ALLEK, – de 81 kg (D3) Jimmy GODEY et – de 81 kg (D3) Clément LESAULNIER (tous de L’Envolée de Lutterbach / Judo-Club Mifune Richwiller).

Médaillé(e)s d’argent : – de 48 kg (D3) Anne-Lise KETTERER (Judo-Club Kano-Huningue / Bulle d’Air Bartenheim) et – de 73 kg (D3) Matthieu GRASMICK (Judo-Club Dorlisheim / Still).

Médaillé(e)s de bronze : – de 70 kg (D3) Florence PHILIP (Judo-Club Dorlisheim / Still), – de 55 kg (D2) Arthur AMOROSI (L’Envolée de Lutterbach / Judo-Club Mifune Richwiller / C.J. Rixheim), – de 90 kg (D3) Samir AKRIMI (Judo-Club Kano-Huningue / Bulle d’Air Bartenheim) et + de 100 kg Julien ZIPP (Judo-Club Vosges du Nord).

Arthur AMOROSI, champion en titre, devra finalement se contenter d’une médaille de bronze…

Ont également participé à ces championnats : Philippe HEYER (Judo-Club Vosges du Nord), Alain KINDT, Cédric COLLE, Serge LAFFE (Judo-Club Dorlisheim / Still), Mickaël PARES (Judo-Club Kano-Huningue / Bulle d’Air Bartenheim), Marc SCHOTT et Maxime KUHN (Judo-Club Vosges du Nord).

Alain KINDT fera preuve, comme d’habitude, d’une combativité et d’un courage exceptionnel. mais cela ne suffira pas…

Résultats complets : France-Judo Adapté-2016

Ci-dessous les photos des groupes alsaciens :

Le Judo-Club des Vosges du Nord,  encadré par Cindy SCHLUB, Patrice PLACE, Saïd CHEBAB et son épouse.

Le Judo-Club Dorlisheim / Still, encadré par Alexandra FANTOZZI, Nadine SEMON (absente de la photo), Mohamed MEZROUI et Renaud CHAVENTRE.

Le Judo-Club Kano Huningue / Bulle d’Air Bartenheim, encadré par Jonathan TSCHENN et Françoise MIEHLE.