Le dimanche 3 mars 2019 à Villebon-sur-Yvette, Laura HABERSTOCK (Pfastatt) a porté haut les couleurs de la Ligue Grand Est de Judo et du Haut-Rhin (68) en devenant championne de France junior, à l’issue d’un parcours mené de main de maître. Cinq combats, cinq victoires, avec autorité. La toute nouvelle patronne des – de 63 kg a eu la gentillesse de nous accorder une entrevue, et de se livrer un tant soit peu sur son parcours et ses ambitions…

Un premier titre national pour Laura HABERSTOCK !

1. Raconte-nous un peu ta journée de compétition.

 L.H. : « Avec la pesée la veille, c’était un soulagement de pouvoir bien manger le soir et le matin. J’ai abordé cette journée sans penser du tout à ce qui allait se passer, ni aux combats à venir. A l’échauffement, je me suis dit que je m’étais bien préparée pour cette échéance, j’ai travaillé dur pour y arriver. Les dés étaient jetés, il n’y avait plus qu’à faire. Lors du tirage au sort en direct, je n’ai pas regardé qui j’avais dans ma partie de tableau, ça ne m’intéressait pas du tout. J’ai juste regardé si je passais un tour. Ça a été le cas, puis ensuite j’ai pris combat après combat. Lors de chaque rencontre, je regardais juste quel était mon adversaire. Je ne voulais pas le savoir à l’avance. Du coup, je n’ai pas eu le temps de stresser, et c’est ce qui m’a aidé sur cette journée. Lorsque je suis arrivée en demi-finale, je me suis dit qu’au pire je pouvais faire cinquième. Mais ce n’est justement pas le pire que je voulais. Lorsque je suis arrivée en finale, le temps de pause juste avant m’a fait réaliser qu’une médaille m’était déjà promise. Mais j’avais vraiment envie d’aller chercher cette médaille d’or, et ne pas finir frustrée. Ça s’est très bien passé et j’ai gagné. J’ai de suite pensé à tous ceux qui m’ont entouré, aidé, comme Olivier BOULAY, mon coach, qui m’a suivi sur cette journée, ou comme Bruno CARABETTA, qui m’a soutenu dans mon projet sportif. J’étais sur un petit nuage ! Lors du podium, une fois la médaille autour du cou, c’est là que l’on réalise vraiment. C’est énorme en fait ! Suivent tous les messages de félicitations, ça fait très chaud au cœur. Même si pour eux, ce n’est qu’un petit message, ça touche énormément et fait très plaisir ! ».

2. Qu’est-ce qui, selon toi, a fait la différence par rapport aux autres filles?

L.H. : « C’est mentalement que la différence se fait. Toute l’année, l’ensemble des filles s’entraine dur, et toutes sont susceptibles d’atteindre le podium. Sur cette compétition, j’avais vraiment envie, la rage. En montant sur le tapis j’étais sereine, je savais que j’avais les cartes en mains. J’ai déjà eu des compétitions où je me suis fait sortir et où j’ai eu des regrets. Là, je me suis dit que si je perdais, la préparation et le travail avaient été fournis en conséquence et je n’avais donc rien à regretter. Lors des combats, j’essayais, j’attaquais, ça a bien fonctionné. J’ai pris confiance en moi, c’était à moi de faire le taf, d’y aller et tout donner. En pareille circonstance, il ne faut pas douter et avoir un esprit de gagnant ».

3. Quelles sont les valeurs qui t’ont été enseignées dans tes clubs d’origine?

L.H. : « J’ai tout d’abord commencé à Heimsbrunn, avec Gérard KRIEGISCH. Mon père nous avait inscrits mon frère et moi, et j’ai de suite accroché. Ensuite, nous sommes allés sur Pfastatt, club dans lequel je m’entraine encore actuellement. Sous la houlette de José ALMOUZNI, on s’amusait beaucoup sur le tapis. Mais il y avait un code moral qu’il fallait respecter. Si tel n’était pas le cas, nous étions punis (rire !). Lorsqu’on est jeune, cela nous marque, c’est vraiment important, surtout dans le judo. Ces valeurs-là nous forgent, et peuvent aussi faire la différence dans le haut-niveau. José m’a donné envie de m’investir et d’aller le plus loin possible. J’ai plaisir à venir au club, où je retrouve l’entrainement pour le plaisir et ce côté familial… ».

4. Tu concilies études et sport de haut-niveau. Ce double challenge est-il compliqué ou constitue-t-il un enrichissement ?

L.H. : « Les deux en fait. C’est compliqué et en même temps extrêmement enrichissant. J’ai commencé « Sport études » au Collège de Brunstatt, puis au Pôle Espoirs et au Pôle France de Strasbourg. Je suis dans une filière « S », la première et la terminale étant étalées sur 3 ans afin de nous laisser du temps pour l’entrainement. C’est une bonne chose, mais il me faut être très organisée. Lorsqu’on est en compétition, on ne dispose pas du week-end pour se mettre à jour et faire les devoirs. Même durant les vacances scolaires, on participe à des stages. Donc il faut être très rigoureux et ordonné dans nos études. Lorsqu’on a des difficultés dans une matière, on ne peut pas supprimer des entraînements pour compenser. Heureusement, nous avons du soutien et des personnes à nos côtés pour nous aider, aussi bien en judo qu’au niveau scolaire, mais aussi pour nous amuser, car il faut savoir décompresser de temps à autre. Études et sport de haut-niveau, c’est un beau challenge. Pour ma part, je ne sais pas encore vers quoi je vais m’orienter après le Bac, mais je souhaite poursuivre cette filière et ne pas mettre une croix sur mes études. C’est en tout cas très intéressant, et bénéfique en tout point de vue ».

5. Au Pôle de Strasbourg justement, quels sont les axes de travail qui t’ont permis d’évoluer ?

L.H. : « Nous avons plusieurs axes de travail. Le physique, le mental, la tactique et la technique. Avec Eric DESCHAMPS, l’entraineur des féminines, nombre d’entretiens individuels sont mis en place. On parle beaucoup, les échanges sont fructueux dans les deux sens et permettent de savoir comment on se situe, comment on progresse, les points forts, les points faibles, etc… Je trouve ça intéressant de tenir compte de l’avis des sportifs, ça nous permet d’évoluer sereinement. Lorsque j’étais au Pôle Espoirs, c’est Alexandre LHOMME qui m’a prise en main. Son travail de fond, dans la continuité de ce qui a été fait en club puis dans la classe sportive de Brunstatt avec Patrice MARECHAL et Nicole SCHNOEBELEN, permet de fait d’aborder l’entrée au Pôle France avec un solide socle d’habiletés et de compétences. Là-dessus, les préparateurs physiques et Eric y greffent le reste. Notre groupe est assez conséquent (35 filles), mais il arrive tout de même à nous faire travailler pour que l’on puisse faire notre judo, l’adapter comme on le souhaite, que ce soit au niveau du kumi-kata, en liaison debout/sol, posture, gestion de l’espace, etc… On bénéficie d’un gros travail d’équipe, Sébastien GIRARDEY (conseiller technique régional) et Yacine DOUMA (responsable des garçons du Pôle) apportent également leur propre contribution. Tous ces apports sont grandement bénéfiques et s’en ressentent en compétition ».

6. Comment devient-t-on « championne » ? Quelle a été pour toi le déclic ?

L.H. : « J’ai un caractère assez têtu on va dire, je suis déterminée ! Lorsque j’ai quelque chose en tête, je vais le chercher. Être au pied du podium ou troisième, ça ne me suffit pas, c’est un titre que je veux. Sur le tapis à Villebon, j’en avais vraiment envie et j’y suis arrivée. Mais ce n’est que le début. Après, pour être championne de France, il n’y a pas vraiment de secrets, il faut travailler. Sur le tapis, il n’y a pas que moi, il y a tous ceux qui m’entourent et m’accompagnent dans cette quête. Je ne peux pas parler de déclic, car j’ai depuis longtemps en moi ce désir de gagner. Lorsque j’ai réalisé que c’était possible, ça m’a motivé pour travailler encore plus, et m’entrainer non pas juste pour m’entrainer, mais pour me faire mal. C’est bizarre, mais j’aime bien ça sur le tapis, m’arracher et tout déchirer. Et lorsque tu remportes la victoire, tu sais que tu n’as pas fait tout ça pour rien ».

Ça y est, le titre est acquis… Laura peut laisser éclater sa joie ! (crédit photo : Aurélien BRANDENBURGER)

7. Avec un titre en poche, cela change-t-il ton regard sur ton sport ?

L.H. : « C’est vrai que je n’ai pas de suite réalisé, mais un titre, c’est juste énorme ! Cependant, ça ne change rien pour moi. Cette victoire prouve juste que j’en était capable, car on doute beaucoup lorsque l’on est sportif. Ça me donne surtout l’envie d’aller chercher plus loin, plus haut. Je me dis que tout ce que j’ai fait et entrepris jusqu’à présent n’a pas servi à rien. J’ai surtout envie de faire du judo, et de continuer à prendre du plaisir. Certes, ce n’est pas toujours facile, mais c’est un défi. Après, je sais que tout cela peut s’arrêter, je peux perdre, me blesser. Maintenant, j’ai encore plus envie de gagner, et je vais continuer à m’entrainer pour ça ! ».

8. Quels sont désormais tes objectifs (à court et à moyen terme) ?

L.H. : « Aux prochains championnats d’Europe, je vise un podium et pourquoi pas la première place. Je sais que je suis jeune encore, mais j’ai des ambitions. Il y aura aussi les championnats du Monde, on verra bien. Après, en regardant plus loin, je pense déjà aux J.O. de 2024. C’est clairement un objectif, et c’est pour ça que je m’entraine. Il n’y a pas de secrets non plus, je pense que tout sportif vise les Jeux. Devenir champion Olympique, c’est le graal ».

9. Et la famille dans tout ça?

L.H. : « C’est hyper important. Je suis très proche d’elle, et m’assure équilibre et stabilité. Mes parents m’accompagnent beaucoup dans mon projet. Mon père me suit au niveau du judo, il est toujours à mes côtés, même dans les moments difficiles où il sait trouver les mots pour me motiver. Mon frère compte beaucoup, car le week-end je m’entraine avec lui, il m’aide dans les devoirs, il y a osmose entre nous. Ma mère est plus attentive en ce qui concerne la diététique et l’alimentation. Lorsque j’ai gagné à Villebon, leur joie et leur enthousiasme m’ont beaucoup touché ! Ce soutien familial est fondamental tout comme celui des proches, des amis, etc… Ça aide à aller de l’avant ! ».

 

Laura HABERSTOCK en quelques lignes :

  • née le 19 avril 2001
  • ceinture noire 1er dan
  • catégorie de poids : – de 63 kg
  • cadette 2 en 2017 : 3ème aux championnats de France cadet(te)s – 7ème au Festival Olympique de la Jeunesse – titulaire aux championnats du Monde cadet(te)s au Chili
  • cadette 3 en 2018 : 3ème au tournoi de France – 7ème à la coupe d’Europe cadet(te)s de Zagreb – 3ème aux championnats de France cadet(te)s – 7ème à la coupe d’Europe cadet(te)s de Cluj Napoca – 3ème aux championnat de France juniors – titulaire aux championnats d’Europe cadet(te)s – 5ème aux championnats d’Europe par équipes cadet(te)s
  • junior 1 en 2019 : championne de France