L’art de la transmission…

Ce printemps dernier à Metz, alors que la Fédération Française de Judo tenait son assemblée générale annuelle, quelques judokas émérites ont été mis à l’honneur lors de la traditionnelle soirée de gala. Parmi eux, la Strasbourgeoise Marie-Paule PANZA (7ème dan), sacrée « professeur de l’année ». Une reconnaissance de rang pour cette passionnée de l’enseignement, qui consacre une très grande partie de sa vie à la transmission de savoirs, savoir-faire et savoir-être. Portrait…

La soirée de gala de l’A.G. fédérale offrait l’une des très rares occasions de voir Marie-Paule sans… kimono ! La voici en effet honorée pour son talent et sa remarquable implication dans l’enseignement, avec un titre de « professeur de l’année » !

Au départ pourtant, c’est le conservatoire de musique qui attire la jeune fille, alors joueuse de harpe, instrument exigeant aux sonorités particulières. Rigueur du solfège, attirance pour le rythme, elle aurait pu suivre cette voie et tendre vers une filière d’excellence. Mais c’est sur un tatami qu’elle exerce sa seconde passion, bercée dès son plus jeune âge par les mélodies et l’ambiance de la salle de judo où officient ses parents, eux-mêmes relayeurs de précieux savoirs. « Mon pèreClément PANZA, 6ème dan- avait cette faculté d’éveiller la curiosité de ses élèves », souligne-t-elle. « Dans son approche, il ne fournissait pas ou peu de réponses, privilégiant la recherche et laissant les pratiquants expérimenter par eux-mêmes, les impliquant pleinement dans l’action pour trouver des solutions ». Une manière de rendre son public acteur de sa propre quête vers le succès, exhaussant le goût de l’investigation et de l’interaction, l’envie d’apprendre sans cesse pour progresser individuellement mais aussi collectivement. Un héritage précieux, dont elle se nourrira au fil de ses propres années de pratique et d’enseignement déjà (dès l’âge de 12 ans elle aidait son père sur le tatami), qui la mèneront ensuite sur la scène sportive internationale (vice-championne du Monde aux tous premiers championnats du Monde à New-York – 1980). La jeune femme d’alors se construit un joli palmarès, nourri de connaissances solides et d’habiletés techniques redoutables, sans pour autant se prendre la tête. « La compétition n’était pas une finalité », relève-t-elle. « Elle m’a aidé à me construire et m’a permis d’évoluer. Surtout, j’ai pu faire des rencontres intéressantes qui m’ont beaucoup enrichi. J’ai eu de la chance de côtoyer des gens exceptionnels qui m’ont beaucoup donné. Ce que j’ai reçu, j’ai voulu le retransmettre à mon tour ». Ses nombreux voyages, études (kinésithérapie), expériences et rencontres, la façonneront peu à peu, tel un costume d’arlequin, cousu d’or. Elle n’a de cesse de vouloir se perfectionner, améliorer son judo, son art de prédilection, pour mieux le comprendre, mieux l’appréhender, et donc mieux le transmettre. Les vacances, très peu pour elle. Les bords de mer, la plage, c’est uniquement pour des stages d’enseignants ou stages de hauts-gradés. « Pour transmettre, il faut savoir quoi transmettre », analyse la technicienne. « Et ça, il faut aller le chercher… ». Elle qui passe 5 à 7 heures par jour sur un tatami en cours d’année, ne se lasse pourtant jamais.

Alors qu’est-ce qui fait d’elle une enseignante d’exception, une passeuse de savoirs hors pair, reconnue et appréciée de tous, jeunes et moins jeunes ? « Enseigner, c’est une forme de jeu », confie-t-elle, l’œil pétillant. « Conduire une séance, c’est tout un art, comme la musique. Tu es le chef d’orchestre, à toi de diriger les musiciens. Pour que la symphonie soit belle, il faut que ce soit harmonieux, chacun doit jouer sa partition. On utilise les outils fournis par le judo, qu’il faut en permanence adapter et mettre à portée. Notre discipline est d’une richesse foisonnante, varier les contenus est chose aisée. L’important est que le pratiquant prenne du plaisir, s’amuse. L’idée est de l’amener à se questionner, à réfléchir face à certaines situations. Lors de cas pratiques, on le guide vers une prise de conscience, afin qu’il gagne en autonomie. S’en suit alors la faculté de prendre des décisions et d’agir avec pertinence selon le contexte, la réaction de l’autre. Cette quête d’efficacité se traduit aussi par le dépassement de soi, l’entraide et la prospérité mutuelle ». Et de préciser, « le judo est un art de vie. C’est une vue de l’esprit. Quand tu reçois, tu redonnes. C’est un sport qui apporte du bien-être. Pour captiver les élèves, il faut les amener à lâcher prise, à vivre pleinement l’instant présent et à le partager. Lors d’une séance, quand tout le monde travaille, il se dégage quelque chose. Il faut savoir prendre cette température pour ajuster puis créer une ambiance propice au bien-être et à l’épanouissement ». Son crédo également, les valeurs éducatives du judo, sur lesquelles elle s’appuie volontiers. « Là-dessus, je ne fais aucun compromis » lâche-t-elle. « Les règles, il faut les respecter, et ce à tout âge. C’est la base de l’apprentissage, mais aussi de tout enseignement de qualité ».

Pour Marie-Paule, la pratique du sport et du judo en particulier a pour but l’harmonie du corps et de l’esprit. L’important étant d’être dans l’instant présent, et de le vivre en pleine conscience (ici et maintenant…).

« Ce ne sont pas les pierres qui bâtissent les demeures, mais les hôtes ». Ce proverbe indien, écrit parmi d’autres à la craie sur l’ardoise à l’entrée du dojo où elle officie au J.C. de Strasbourg (23 rue Vauban), illustre à lui seul l’esprit du lieu et les valeurs de son « maitre ». Réaliser, créer, expérimenter, perfectionner, transmettre, partager. Une partition maîtrisée de bout en bout par notre experte, avec détermination, intensité, chaleur et sensibilité, animée avant tout par le désir de pérenniser sa discipline. Consciente des enjeux à moyen et à long terme, Marie-Paule PANZA n’a de cesse de se projeter vers l’avenir, préparant le terrain pour les générations futures, qui elles-mêmes transmettront aux suivantes. Une symphonie majestueuse, qui, de fait, n’est pas près de s’arrêter….

Bio express :

  • Date de naissance : 4 novembre 1960
  • Ceinture noire 1er dan de judo en 1976, 7ème dan en 2011
  • Plusieurs fois championne du Bas-Rhin, d’Alsace, Interrégions, multi-médaillée aux championnats de France fédéraux, 4 fois championne de France Universitaire, médaillée et titrée dans différents tournois internationaux, vainqueur des Jeux Mondiaux de la Médecine, médaillée d’argent aux tous premiers championnats du Monde (1980 – New York)
  • Plus de 50 ans de pratique, diplômée d’État du second degré
  • A formé de très nombreuses ceintures noires, mais aussi des champions, titrés ou médaillés aux championnats de France, d’Europe ou du Monde
  • Pratique et enseigne également le Qi Gong et le Tai Chi Chuan