Enquête dans le Haut-Rhin (68)

La situation sanitaire liée  la pandémie du Covid-19 et aux conséquences qui en résultent (confinement, etc…) ont fortement impacté le quotidien de nos concitoyens, des acteurs économiques, mais aussi celui du monde associatif. Le déconfinement progressif depuis le 11 mai (1ère phase) a entrouvert des portes pour un retour, progressif lui aussi, vers la pratique sportive. Les récentes annonces gouvernementales autorisent désormais, depuis le 2 juin, l’ouverture de nos dojos et une pratique limitée à 10 personnes. Quid de ces mesures sur le terrain et de l’adaptation de nos clubs ? Quid surtout, en arrière plan, de la rentrée de septembre pour le judo face à la concurrence des autres disciplines sportives ?

Des séances de 10 personnes, en plein air, pour une reprise en douceur…

Cette phase 2 du déconfinement a été accueillie avec grand soulagement. Les judokas sont maintenant autorisés à reprendre leur activité, même partiellement, en extérieur comme en intérieur, avec mise en application du protocole sanitaire (distanciation physique, gestes barrière, modalités de circulation, agencement des groupes, etc…). Bien que les situations d’opposition soient encore proscrites, il est bel et bien possible de reprendre les cours, avec ou sans kimono, et en mode « solo » (tandoku renshu), en proposant des éducatifs, de la motricité, locomotion, équilibration, préhension, du taïso, du travail sur les katas, le jujitsu, etc…

 La pratique en dojo reste très limitée. La Mairie de Masevaux a quant à elle donné son feu vert…

C’est le cas au Judo-Club de Masevaux, qui n’a pas hésité à rouvrir son dojo (avec l’aval de la commune), enchanté de pouvoir accueillir à nouveau ses adhérents dès le mercredi 3 juin, pour une « rentrée » en avant première, proposant deux séances d’une heure (poussin(e)s/benjamin(e)s & minimes/cadet(te)s/juniors(e)s), le mercredi et le vendredi. Sur le tapis, huit pratiquants chaque fois, avec deux encadrants (Thibaut ROY et Jérôme LAURENCOT), visiblement pressés et ravis de se retrouver après cette longue pause. L’occasion pour tous de sortir de chez eux, de se revoir, et de partager quelques séquences de remise en forme, en douceur. Et avec le sourire. « On a la chance d’avoir sur l’année un groupe de judokas très présent et surtout très motivé », souligne Thibaut, plein d’énergie et tout content de retrouver ses élèves. « On a tenu à reprendre au plus vite car tous en avaient très envie. Nous disposons aussi de nombreux compétiteurs chez les benjamin(e)s et les minimes, il est important d’entretenir la flamme chez ce public. La commune nous a donné le feu vert, et la mise en place du protocole sanitaire ne constitue qu’une faible contrainte (entrée et sortie du dojo différenciées, fléchage et sens de circulation, vestiaires fermés, mise à disposition de gel hydroalcoolique, surface de 9m2 disponible par pratiquant – marquage au sol avec ruban adhésif, désinfection du tatami, etc…). En terme de contenu, on a essentiellement orienté les séances sur du travail physique, de l’étirement et de la mobilité. De plus, nous avons le privilège de disposer d’un dojo spacieux, on a donc de quoi faire… ».

 Thibaut ROY pas peu ravi de fouler le tatami avec ses élèves !

Si l’expérience de Masevaux démontre clairement qu’il est parfaitement possible d’accueillir du public en toute sécurité, pour le bien de tous, les autres clubs du département ne sont en revanche pas tous logés à même enseigne. Nombre de communes restent plus que frileuses quant à la mise à disposition des dojos, complexes sportifs ou autres gymnases. Les freins relevés sont souvent liés au manque de personnel (ménage, entretien), parfois mobilisé prioritairement pour les écoles, en raison de l’architecture des lieux (salles exiguës, porte unique pour les entrées et les sorties,…), ou tout simplement par peur du risque de développement d’un nouveau foyer de contamination. Les clubs eux-mêmes peuvent se montrer quelque peu réticents (protocole compliqué à mettre en oeuvre, difficultés à faire ou proposer autre chose que du judo, retour de pratiquants peu motivés et craintifs de reprendre dans pareil contexte).

 Des activités ludiques à Rouffach pour les jeunes, histoire de se retrouver et garder le contact…

D’autres clubs en revanche on su s’adapter, faire preuve d’initiative et d’imagination. Faute de dojos ou de salles, c’est le système « D » qui prime. A Rouffach par exemple, la Mairie n’a dans un premier temps pas autorisé une pratique en extérieur sur un terrain communal. La présidente du club s’est du coup tournée vers une entreprise privée (Intermarché), qui lui a permis d’accueillir ses élèves directement sur le parking (vide) en fin de journée. « Il était important pour nous de garder le lien avec nos licenciés », indique Joëlle LECHLEITER, consciente de l’enjeu. « Comme il s’agit d’un redémarrage pour une grande majorité des pratiquants, il est essentiel de réguler le rythme, le volume et l’intensité des exercices en fonction des catégories d’âge. Faire sortir et bouger nos pratiquants avec une occupation physique adaptée et progressive, garder du lien social, montrer que l’activité ne présente aucun danger. Bien sûr, cela nécessite une grosse préparation en amont (nettoyage et désinfection systématique du matériel avant usage, marquage au sol pour délimiter les emplacements, accueil hyper encadré, etc…). Mais au final, tout le monde y trouve son compte ». Entre temps, la commune a autorisé la pratique aux abords du Cosec, sur le gazon.  Un cadre de verdure agréable et accueillant, propice au plaisir et au bien-être. L’occasion d’ouvrir de nombreux créneaux, pour les plus jeunes mais aussi les plus âgés, et de faire revenir une bonne soixantaine de personnes en tout, réparties dans des cours sur l’ensemble de la semaine.

 Dedans ou dehors, l’important est de prendre du plaisir !

A l’École de Combat de Thann, les séances se déroulent sur le terrain de foot deux fois par semaine, avec au programme du renforcement musculaire, travail avec élastiques et autres matériels, et surtout, comme tous les autres clubs actifs, du tandoku renshu en judo et en jujitsu, pour le plus grand bonheur de ses adhérents. A Peugeot Mulhouse, cela fait des années que le club propose  du renforcement musculaire à ses adhérents en été, à la colline des Jeux de Sausheim, RDVs qui ont été avancés en raison de l’actualité. L’occasion là-aussi d’orienter le travail sur la condition physique (puissance, endurance, force), la principale préoccupation du club étant le maintien des habiletés corporelles pour les compétiteurs de toute tranche d’âge. A Horbourg-Wihr également, la salle n’étant pas accessible, les séances se font directement sur le parking, par groupes de 10, en collaboration avec le club voisin de Colmar Judo.

 Séquence « boxe » et atémis à Horbourg-Wihr pour les réflexes et les postures, vers une amenée progressive du travail de kumi-kata…

Pour Robin FLEITH, l’un des animateurs des cours, il est surtout important de garder le lien avec une pratique qui se rapproche du judo. Un contenu varié, allant de la préparation physique aux gestuelles liées au judo et au jujitsu. « J’essaye aujourd’hui d’orienter les pratiquants vers les postures et les habiletés qui mènent vers la saisie du kumi-kata », explique-t-il en plein coeur de sa séance, avec un enthousiasme communicatif. « Surtout, il ne faut pas perdre ces notions liées au judo/jujitsu, au kimono, il faut rester dans l’activité et garder certains automatismes. La variété des exercices est importante, tant sur le travail pour les différents groupes musculaires que pour pouvoir entrer progressivement dans la peau du judoka. Ce contact avec notre discipline est essentiel pour la suite ». La suite justement, c’est ce que prépare aussi le club de Munster. Pour eux, pas d’accès au dojo. Mais au vu de leur position géographique, la proximité des montagnes (Vosges) a donné des idées à Jacky ERTLE, l’enseignant principal. « Pour nous, faute de pouvoir pratiquer le judo, il me semblait hyper important de maintenir un niveau de condition physique en vue d’une reprise concrète, en vue des compétitions futures, pour permettre à nos compétiteurs de reprendre l’activité « judo » dans les meilleures conditions lorsque ce sera possible. Nous avons mis en place des séances de préparation et de renforcement musculaire par visio dès le début du confinement et, depuis le 11 mai, nous proposons également des sorties en VTT de deux à trois heures une fois par semaine à partir de minime. L’idée étant de maintenir les organismes en état pour attaquer ensuite la reprise en possession de moyens décents… ». Wintzenheim, Guebwiller et Bisel par exemple proposent eux aussi du VTT en plus d’autres activités (footing, marche, foot, etc…).

 La porte du dojo du club de Munster restant close, c’est avec du braquet que les pratiquants sont amenés à cultiver leur condition physique…

Si la visioconférence (bien des clubs ont opté pour cette formule dès le début) et la pratique en plein air ont majoritairement servi nos structures de judo, comment dès lors se projeter sur la vraie « rentrée », celle qui s’annonce en septembre ? Il est clair que cette coupure inédite engendre bien des interrogations, sur le plan sanitaire bien sûr, sur les effectifs à venir et, de fait, sur la survie de nos clubs. Comment appréhender efficacement cette rentrée ? A Masevaux, on ne se pose pas trop de questions. « Nous accueillerons les pratiquants de tout âge durant tout l’été », prévient Thibaut. « L’idée étant d’éviter la déconnexion et de s’ouvrir éventuellement aux nouveaux pratiquants. Celles et ceux qui voudrons essayer l’activité seront les bienvenu(e)s, nous pourrons ainsi grossir nos effectifs comme il se doit et aborder cette rentrée sereinement. Nous nous relayerons entre enseignants pour assurer les cours, nous avons la chance d’être disponibles. C’est aussi le meilleur moyen de rester présent sur le marché et d’éviter que les jeunes ne partent vers d’autres disciplines ». A Rouffach, ce ne sera pas possible d’assurer des cours en juillet et en août. En revanche, le club proposera un stage de rentrée la dernière semaine d’août, stage qui devrait lui permettre de recruter pas mal de monde. A Huningue, les salles restent fermées jusqu’au 7 septembre. La commune ouvrira en revanche l’accueil périscolaire en juillet et en août, et le club de judo a été sollicité pour animer des séances pour les enfants. L’occasion là aussi d’exister sur le terrain et espérer effectuer un recrutement chez les plus jeunes.

  Après une période plutôt anxiogène en mars et avril, il est important de pouvoir décompresser en s’amusant, et ce à tout âge…

L’important quoi qu’il en soit sera d’anticiper, d’être présent, de se montrer, de communiquer bien avant le 1er septembre. Principal enjeu stratégique, les licences. Tout mettre en oeuvre pour enrayer une éventuelle perte. De par notre pratique et la qualité de notre enseignement, il nous faut rassurer, donner confiance, fidéliser, montrer le sérieux de nos clubs et donner surtout de la crédibilité au judo/jujitsu. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons entrevoir la nouvelle saison avec une certaine « sérénité ». La prochaine étape du déconfinement (22 juin) devrait à nouveau redistribuer les cartes. Et nous ouvrir de nouvelles opportunités…

Des enseignants et des pratiquants heureux de reprendre, en intérieur ou en extérieur (pour la grande majorité), OUI c’est possible !!!