Une réunification bénéfique…
Exit l’Alsace, la Champagne-Ardennes et la Lorraine. Vive le Grand Est ! Dans l’Est de la France, la Grande Région n’est plus une utopie. Elle se classe désormais dans le registre du réel et du concret. Après le tout premier championnat par équipes seniors fin janvier à Sarrebourg, place aux premiers stages sportifs, pour les juniors d’une part (à Reims), et pour les minimes et les cadet(te)s d’autre part. C’est ce dernier que Strasbourg a eu le privilège d’accueillir, du 8 au 10 février…
Une belle brochette de jeunes pour ce premier stage Grand Est au C.R.E.P.S. de Strasbourg…
Avec la fusion, que de bouleversements, tant sur le plan administratif, organisationnel que sportif ! Ces changements, inéluctables et nécessaires, ont bien lieu, que nous le voulions où non. Ils s’inscrivent dans une logique d’ouverture, de partage et d’évolution, indispensables pour aller de l’avant. Des trois anciennes régions, il n’en reste plus qu’une. Cette entité soulève inévitablement nombre de questions, tant en terme de pertinence, que d’un point de vue purement stratégique. Quel intérêt de partager avec d’autres, futurs concurrents et adversaires potentiels, des connaissances, des savoirs ou méthodes d’entraînement, au risque de se dévoiler, mettant ainsi en lumière les forces et faiblesses de chacun ?
Jérémy ANDRES, ” on est déjà dans une optique de Grande Ligue“…
Pour l’encadrement de ce rassemblement inédit, pas question de tergiverser sur le sujet. « Ce regroupement permet avant tout de proposer aux athlètes des oppositions intéressantes en vue des prochaines échéances », analyse l’un des intervenants, Jérémy ANDRES, C.T.F. de la Ligue de Lorraine. « L’intérêt de ce stage Grand Est, c’est que les trois pôles sont réunis ici, plus une sélection de chaque ancienne Ligue. Nombre de jeunes sont dans la même catégorie d’âge, cela leur permet de s’entraîner ensemble, de corriger des détails. Au niveau de l’équipe d’encadrement, on est déjà dans une optique de Grande Ligue. Dans notre programmation, on résonne « Grande Région », et non plus Alsace, Champagne-Ardennes ou Lorraine. L’idée est d’obtenir une cohésion de groupe, pour que la fusion puisse se concrétiser. Il faut que nos jeunes puissent devenir solidaires entre eux sur les échelons nationaux. En ayant une meilleure opposition, on va incontestablement relever le niveau des judokas. L’idée aussi est de pouvoir créer un groupe « élite », que l’on pourra emmener sur des échéances plus importantes comme des Europan Cup par exemple… ».
Un brassage nécessaire et bénéfique pour les athlètes désireux de progresser et d’évoluer dans leur projet sportif. « Au bout des trois jours, on constate encore des petits clans, entre champenois, alsaciens ou lorrains, c’est normal. Ils ont des affinités entre eux, ils s’entraînent ensemble dans leurs structures respectives. Après, il y a beaucoup d’échanges. Entre lorrains et alsaciens, les affinités sont réelles, les jeunes ayant déjà participé ensemble au tournoi de Harnes ou de Clermont Ferrand, et ils se connaissent. Avec la Champagne, la cohésion se mettra en place petit à petit. Dans peu de temps, il n’y aura plus qu’un seul et unique noyau, et c’est bien là notre objectif ! ».
Une volonté de réunification partagée par Charles DIDIER (Marnaval Saint-Dizier), encadrant de la Champagne-Ardennes. « Pour nous, ce regroupement est très important. Sur notre secteur champenois, nous n’avons pas la possibilité d’avoir autant de monde sur le tapis. A chaque période de vacances scolaires, on essaye d’aller chercher de l’opposition forte. Avant, avec l’ancienne organisation régionale, nous le faisions plus sur la Picardie, sur la Bourgogne où la Franche-Comté. Aujourd’hui, l’occasion nous est offerte de le faire avec l’Alsace et la Lorraine, c’est une très bonne chose. Retrouver une bonne centaine de judokas du même âge sur le même tapis, c’est extra pour la progression de ces jeunes ! Ensuite, cette possibilité qui leur est offerte d’avoir de fortes oppositions est idéale pour les tirer vers le haut. Chez nous, on a des compétiteurs qui tournent bien. Mais, et je le constate au niveau de notre structure « club » (Marnaval), où ils ont trois entrainements par semaine plus une de préparation physique, cela ne suffit pas pour progresser. D’autant plus qu’ils se connaissent bien, ils ont tendance à jouer un petit peu, et le niveau stagne. Il faut toujours chercher une opposition qui les oblige à aller au delà d’eux-mêmes… ».
Alexandre LHOMME, “ ce dispositif va être amené à évoluer…”
Si pareil regroupement régional se révèle positif pour les judokas, il s’avère tout autant enrichissant pour l’encadrement. L’occasion, pour les différents intervenants, de mettre en commun leurs compétences et savoir-faire. « En tant que judoka, on a tous nos petits « trucs » et notre façon de faire », explique Jérémy. « On se rend compte que les problématiques sont les mêmes partout. Le thème de la matinée était consacré à la liaison debout/sol. On a tendance à beaucoup privilégier le judo debout par les projections. Parfois les jeunes loupent des opportunités en combat, ils se font marquer par un adversaire plus fort qu’eux debout, et derrière ils ne sont pas réactifs. Le fait d’enchaîner au sol leur permettrait de reprendre l’avantage dans le combat. C’est un domaine à perfectionner, car bien souvent, des combattants perdent leur combat alors qu’ils avaient des solutions. Lundi après-midi, on a axé la séance sur le kumi-kata. Là également on s’aperçoit que les combattants parviennent à poser les mains, ils sont dominants, mais après ils n’osent pas attaquer. Soit parce qu’ils ne savent pas préparer l’attaque, soit parce qu’ils ont peur de se faire contrer. On essaye de corriger tout cela… ». « Ce dispositif va être amené à évoluer », reconnaît Alexandre LHOMME, notre C.T.F. en charge du Pôle Espoirs de Strasbourg. « Avec les champenois et les lorrains, on commence à mettre en place un mode de fonctionnement. Cela nous permet, à nous intervenants, de découvrir les personnes avec lesquelles on va travailler, d’apprendre à connaître nos homologues des anciennes régions. Pareil pour les athlètes, ils ont ainsi la possibilité de se retrouver tous ensemble. Ce type de stage constitue une belle opportunité, car avec la Grande Région, on se retrouve avec près d’une centaine de jeunes sur le tapis. Cela commence à devenir intéressant ! ».
Erwin PAWLAK, un athlète de D1 au service des jeunes…
D’autant plus intéressant que, parmi l’encadrement, Erwin PAWLAK, judoka de 1ère division (individuel & équipe), est mis à contribution au service du groupe. Ce compétiteur vient de remporter, avec son équipe de l’A.J. 54, le tout premier titre de champion du Grand Est de l’histoire, décerné le 24 janvier dernier. Une belle aubaine pour les jeunes présents que d’avoir, à leur disposition, un athlète en activité, qui plus est en D1. Ce dernier se montre particulièrement enthousiaste sur le tapis, n’hésitant pas à corriger et apporter de précieux conseils aux élèves. « Ce qui me plait ici, c’est qu’ils travaillent tous ensemble, c’est vraiment génial ! », observe l’intéressé. Et de préciser : « l’objectif est de faire une grosse Ligue, pour pouvoir amener ces jeunes le plus loin possible. Au niveau de l’encadrement aussi, nous formons une seule et même équipe, on a plaisir à travailler ensemble. Il n’y a plus de Lorraine, d’Alsace ou de Champagne-Ardennes. Nous sommes maintenant une seule et même région. L’ambiance est sympa, on se lance des défis entre nous, on se chambre un petit peu aussi. Mais cela nous aide à repousser nos limites… ».
Pas simple, pour un minime comme Clovis, de combattre avec des plus costauds…
Dans ce contexte favorable et propice au progrès, les minimes et les cadet(tes) s’en donnent à cœur joie, et ne ménagent visiblement pas leurs efforts lors des différentes séquences, techniques, physiques ou combat. L’un des plus jeunes, Clovis PREVOST (Val de Moder – 67), 12 ans seulement (minime 1ère année) et ceinture verte, peine un peu durant les randoris. Son gabarit de poche en fait l’un des plus petits du groupe. Pas facile de se mesurer à des camarades plus âgés et plus forts. Pour autant, ce dernier ne baisse pas les bras, loin de là. « C’est dur ici ! », confie le jeune. « Je n’ai pas beaucoup d’adversaires de ma taille, ils sont tous plus grands et plus lourds que moi ! ». Malgré la fatigue accumulée trois jours durant, le garçon fait preuve d’un bel enthousiasme. « Ce que j’ai aimé, c’est qu’on a travaillé avec les cadets. Cela m’a permis de découvrir des étranglements que je ne connaissais pas. C’était très intéressant. J’ai fais un premier stage « groupe Alsace » en octobre, et j’avais bien apprécié. Cette fois, il y a plus de monde, on a des partenaires qui, avec la Grande Région, viennent de plus loin. Du coup, le niveau n’est plus pareil. Malgré tout, et même si c’est parfois un peu difficile pour moi, je reviendrai, car c’est vraiment bien ! ». Un enthousiasme partagé par Batbileg SUKHBAATAR (Espérance 1893 Mulhouse), cadet 3ème année (16 ans). « Il y a plus de monde sur ce stage, il est plus intense que d’habitude. C’est une bonne expérience, c’est enrichissant de rencontrer des judokas qu’on ne connaît pas. Cela permet de s’améliorer et de progresser. Déjà, comme ils sont plus nombreux, on a le choix des partenaires. Ensuite, comme ils viennent d’ailleurs, on découvre d’autres manières de combattre, d’autres façons d’attaquer. Au niveau technique également, on a eu une approche différente sur certains aspects, comme les étranglements. Cette variété d’enseignement est un atout dans ma préparation. J’espère cette année me qualifier pour les championnats de France et pouvoir aller le plus loin possible. Ce stage tombe à point… ».
Batbileg (à gauche), s’est donné à fond, comme l’ensemble de ses camarades…
Comme le rappelle Alexandre, « le but pour les compétiteurs c’est la confrontation avec les athlètes des autres régions. Nous étions axés sur du technico-tactique, avec l’objectif des ½ finales cadet(tes). On a effectué beaucoup de travail sur les fondamentaux, tels que le kumi-kata ou des principes qui ne sont pas encore parfaitement intégrés, pour qu’ils puissent transférer cela sur les futures échéances… ».
Pari réussi en partie pour l’équipe pédagogique. Reste pour les cadet(te)s à confirmer lors de la ½ finale de Saverne le 21 février prochain. Quoi qu’il en soit, les changements engendrés par la nouvelle gouvernance constituent une aubaine pour tous. A condition toutefois de résulter d’un effort délibéré, collectif, et continu. Certes, le défit est de taille, mais à portée. A nous, sur le long terme, de le relever…