Faire un maximum de randoris…

C’est l’incontournable de ce début de saison. Le stage « multifrontières », dédié essentiellement aux juniors, accueille chaque année le gratin européen de la catégorie, pour d’intenses séances de randoris. L’occasion, pour quelques 280 judokas, de fouler les tatamis du C.R.E.P.S. de Strasbourg, du 6 au 9 octobre, tout en préparant les prochaines échéances sportives, avec, en ligne de mire pour la majorité, la saison 2017…

Comment s’assurer de la présence des judokas alsaciens ? Nul besoin de visiter les vestiaires pour obtenir une réponse. Le pourtour du dojo du C.R.E.P.S, véritable parc de stockage de Vélhop, suffit à prouver que strasbourgeoises et strasbourgeois, d’origine ou d’adoption, n’ont pour rien au monde manqué leur rendez-vous d’automne…

Le dojo du C.R.E.P.S., nouveau parc de stockage à vélos ?

Et pour cause. Sur le tapis, l’équipe de France féminine et masculine, mais aussi, et surtout, des néerlandais, belges, allemands, écossais, anglais, luxembourgeois, suisses, croates, et bien d’autres encore. Du lourd. Du très lourd même, avec, entre autres, Laura VARGAS LOCH (D), médaillée de bronze aux J.O. de Rio, vice-championne du Monde des – de 70 kg. De belles pointures nationales et européennes ont également fait le déplacement avec, pour seul et unique but, le rentre dedans. « L’objectif pour nos combattant(e)s est de faire un maximum de randoris avec un maximum d’étrangers, pour emmagasiner le maximum de choses et un maximum d’expérience », explique très simplement Serge DYOT, tout heureux de revenir en Alsace. Membre du staff national, 7ème dan, il n’a pas hésité à venir prêter main forte auprès des féminines de l’I.J. (Institut du Judo). « La confrontation avec les étrangers est enrichissante, cela permet de varier les partenaires, de voir d’autres têtes. On fait la même chose qu’à Paris, mais avec des gens différents et des nations différentes, pour varier le travail sur la garde, les mouvements, etc… C’est un excellent stage de rentrée pour tout le monde ! ».

Serge DYOT : “Ce stage permet de varier les partenaires, voir d’autres têtes…”

Sur le tatami, installé pour l’occasion dans le gymnase annexe, ça ne rigole pas chez les filles. La séquence de ne-waza se veut dantesque. Changement de partenaire à chaque ippon. Pas, ou très peu de répit à l’issue de chaque affrontement. Il faut aller au contact, coûte que coûte, tenter de placer une clef, un étranglement, écourter le plus possible les rencontres. Lutter contre plus fort que soi, ne pas se laisser submerger par la déception après une immobilisation, ou une action non aboutie. Pour ça, il faut du tempérament. De l’envie aussi.

Héloïse BEYREUTHER : ” Le plus difficile est de s’adapter aux différentes manières de faire…”.

Pas facile lorsque l’on est junior première année, à l’instar d’Héloïse BEYREUTHER (Lauterbourg), 5ième des France juniors en mai dernier. « Sur le tapis, il y des filles qui sont assez rugueuses, qui n’ont pas le même état d’esprit que nous », remarque l’alsacienne, quelque peu en irritée par le comportement de certaines. « Elles ne partagent pas la même façon de faire du judo, elles viennent juste là pour nous « démonter », c’est pas très cool… ». Sa principale motivation, le plaisir, mais aussi l’occasion de progresser, entre copines qui partagent la même passion. « Il y a pas mal de niveau sur un stage comme cela », précise Héloïse. « Le plus difficile est de s’adapter aux différentes manières de faire, et aux différents styles de judo. Ce qui me frustre un peu, c’est que certaines nations n’ont vraiment aucun respect, et ça, je n’aime pas trop. Mais ce stage est vraiment très intéressant, et permet d’une certaine manière de bien préparer les prochaines échéances chez les juniors. Je pense surtout que cela va servir à celles qui préparent les championnats 1D de novembre. En tout cas, c’est bien de pouvoir s’entraîner avec des gens comme ça, qui se donnent au maximum dans les randoris. Cela nous tire vers le haut… ».

Alexiane COCQUERET : “Cela nous oblige à aller chercher des choses autres… “

Aller au contact des autres, quelque soit leur façon de pratiquer le judo, voilà ce qui attire Alexiane COCQUERET (A.J. 54), seulement cadette (3ème année). « Le but ici est de rencontrer le plus d’étrangères possible, d’avoir des oppositions que l’on ne trouve pas le reste de l’année », confie la jeune fille, tout en confiance après son titre national chez les cadettes en – de 70 kg, mais aussi sa médaille d’or européenne par équipes début juillet. Elle, qui passera « junior » en janvier prochain, se veut ambitieuse pour la suite. « Au quotidien, on a tendance à s’installer dans une certaine routine. Le niveau, très relevé ici, nous permet d’en sortir. On trouve un autre type de judo, on est obligée de s’adapter, c’est vraiment très intéressant. On rencontre aussi d’autres gabarits, avec lesquels on n’a pas forcément l’habitude de travailler. Des filles très grandes vont avoir un schéma différent sur les mains, qu’on n’a pas forcément chez nous. Cela nous oblige à aller chercher des choses autres ». Une belle occasion pour la lorraine, pensionnaire du Pôle France de Strasbourg, de préparer les prochains tournois labellisés « A » (Cormelles, Epinay, Aix).  « Ces tournois débouchent, pour les meilleures, sur les European Cup. Ce stage est une bonne chose, surtout à cette époque de l’année, pour arriver au meilleur niveau ». Alexiane espère bien briller, en 2017. « Un podium aux « France » me permettrait de bien commencer dans cette catégorie d’âge et obtenir, pourquoi pas, une sélection internationale… ».

Petit tour dans le dojo du C.R.E.P.S., chez les garçons cette fois. La température monte d’un cran. Les odeurs aussi. Les affrontements sont rudes, personne ne se fait de cadeau. Les attaques debout vont bon train, tant chez les légers que chez les lourds. Ça bouge en permanence, décalage à droite, à gauche, on tente un truc, ça passe, ça ne passe pas. Les kimonos sont mis à rude épreuve. Les organismes aussi. Jeux de mains, jeux de vilains parfois. Pas d’états d’âmes, il faut vraiment planter l’autre. Ne rien lâcher, attaquer, essayer, attaquer, encore et encore, aller au bout de soi-même, chercher la moindre faille chez l’adversaire, même la plus infime. Une main bien placée, action, réaction, et bim… sur le dos ! Ça fait mal parfois, et ça grimace de temps à autres. Au diable, pas le temps de s’apitoyer, il faut repartir à l’assaut, recommencer, encore et encore, surtout lorsque l’on a, dans sa poche, un titre de champion de France à faire valoir. Yacoub BELKAHLA (Espérance 1983 Mulhouse), encore cadet (3ème année), en a vu de toutes les couleurs sur cette première séance.

Yacoub BELKAHLA : “Il faut en profiter...”

« Ici, c’est baston, baston ! », reconnait l’intéressé, quelque peu émoussé à l’issue de nombreux randoris, menés tambours battants. « Les compteurs sont à zéro à cette période de l’année. Sur ce genre de stage, on a beaucoup de partenaires, issus de différents pays, c’est bien pour progresser. Il faut en profiter. On a pas mal de français également qui sont sur les podiums nationaux « juniors », c’est intéressant. J’essaye de m’évaluer par rapport à eux et de prendre la température pour la saison à venir (il passera junior en janvier). Avec les étrangers, cela permet de préparer l’international. Ils n’ont pas le même judo que nous, on n’a pas les mêmes habitudes au niveau des entraînements, et il faut s’adapter en permanence ». Le judoka, déterminé, sait où il veut aller. « Pour l’instant, nous sommes en plein dans les tournois. Ces derniers permettent de se situer sur la hiérarchie nationale. Après, il y aura les championnats. J’espère un titre, bien sûr, mais monter sur le podium serait déjà pas mal… ».

Une première pour Landry BERNHEIM…

La séance quant à elle, intense de bout en bout, se poursuit au son du gong, rythmant les différentes séquences de randoris. Et les plus jeunes sont soumis à rude épreuve, sans pour autant se décourager. « Il y a du niveau en face ! », découvre Landry BERNHEIM (Pfastatt), cadet 1, tout nouveau pensionnaire du Pôle Espoirs. « Avoir des oppositions fortes comme cela forge pour les compétitions à venir. Ça motive aussi, ça donne envie, même si c’est dur ! Et de rencontrer des gens plus costauds, qui ont fait des podiums au niveau national ou international, c’est un honneur. Ça fait plaisir en tout cas, et on a vraiment de la chance de pouvoir le faire ! ». Une chance que partage Romain GRETZ (Hoerdt), première année senior, beaucoup plus aguerri. « Ici, je viens chercher différentes formes de judo », précise le compétiteur, tout à son aise dans cet environnement, qu’il connait bien. « Cela permet de voir et de faire autre chose que ce que l’on fait habituellement. Le judo français finalement, on le connait au fur et à mesure des années, et d’être justement au contact d’autres nations, cela permet de voir des choses nouvelles mais aussi d’autres techniques, c’est très intéressant ». Le judoka, présent en D1 l’an passé, n’a pu rééditer sa performance cette année. « Maintenant, je me prépare pour les 2D, et ce stage tombe à point. Je ne pourrai pas venir sur les quatre jours, j’ai cours à la fac. Mais je serai présent samedi et dimanche ». L’important pour lui, est de faire de son mieux. Surtout, c’est l’état d’esprit qui compte. « Ici, on vient comme un guerrier, il faut se battre sur tous les randoris, et ne rien lâcher. On essaye de se donner au maximum, pour réussir ses combats et sa séance. C’est ce qu’il faut pour progresser… ».

Romain GRETZ : “Il faut se battre sur tous les randoris, et ne rien lâcher…”

Quoi qu’il en soit, et quelque soit le niveau d’ambition des combattants, chacun vient chercher matière à apprendre, à évoluer, pour devenir meilleur. Un passage obligé, surtout pour tout aspirant au haut niveau. Malgré l’intensité et la souffrance parfois, ce genre d’expérience s’inscrit dans une logique de progression. Encore une fois, on n’a rien sans rien. Sur le tapis également, nombre de judokas de la section universitaire de Strasbourg. Eux aussi s’en donnent à cœur joie, malgré les difficultés. « Ce que l’on attend de nos athlètes sur ce type de stage, c’est qu’ils prennent de l’expérience en se confrontant à d’autres judokas de nations étrangères, mais aussi à notre élite française », confie volontiers Franck SCHAFF, l’un des entraîneurs de la section universitaire de Strasbourg. « Ces confrontations sont enrichissantes, car ils combattent avec des adversaires avec lesquels ils n’ont pas l’habitude. Le judo des étrangers est très différent du nôtre, et le fait d’aller les chercher et être confronté à des choses inhabituelles constitue une bonne préparation pour des tournois, mais aussi pour des phases finales des championnats universitaires, ou fédéraux. Pas mal de nos athlètes sont engagés sur les premières divisions, ou sur le championnat de France « juniors ». L’idée est de les enrichir, de leur ouvrir leur judo afin qu’ils cherchent des solutions sur des systèmes d’attaque différents de ceux qu’ils peuvent rencontrer au quotidien sur notre plateau d’entraînement ».

Franck SCHAFF ne s’occupe pas seulement des “universitaires”. Il n’hésite pas, lorsque nécessaire, à donner de bien précieux conseils aux plus jeunes…

Après deux bonnes heures d’assauts répétés, le salut final. Petit briefing d’après séance, tant chez les filles que chez les garçons. Chacun repart aussitôt « chez lui », épuisé, vidé, mais heureux de s’être donné à fond. Dans le dojo, extinction des feux. La quiétude et le silence reprennent possession des lieux tout naturellement. Les judokas, quant à eux, pensent déjà au lendemain. Il faudra remettre ça, vendredi, samedi et dimanche. Le prix à payer pour dépasser ses limites, et voir plus loin …

Briefing de fin de séance avec Yacine DOUMA…

L’ancienne “mulhousienne”, Amina ABDELLATIF, membre du staff technique national, n’a pas manqué ce RDV alsacien…