Chercher la confrontation…

La douzième édition du traditionnel stage d’automne multifrontières au C.R.E.P.S. de Strasbourg s’est déroulée du 5 au 8 octobre 2017. Quelques 290 athlètes, essentiellement des juniors, filles et garçons, ont partagé d’intenses séances de judo avec de nombreuses délégations étrangères. Des confrontations instructives, idéales en vue des prochains mondiaux…

En ligne de mire pour les équipes de France « juniors », les championnats du Monde, programmés du 18 au 22 octobre à Zagreb (Croatie). A deux semaines de cette échéance planétaire, ce regroupement ciblé tombe à point. Il s’agit là d’effectuer les derniers réglages, réajuster son judo, et étoffer son bagage tactique. Sur le tapis, on y trouve ce qui se fait de mieux à l’échelle européenne, aussi bien du côté allemand, suisse, belge, écossais, hollandais, autrichien et luxembourgeois. De quoi pousser les français dans leurs retranchements, et les obliger à se remettre en question.

Agathe DE VITRY se prépare activement pour les championnats du Monde…

Sur le tapis, tout transpirants, quelques judokas du Grand Est. Parmi eux, l’Alsacienne Agathe DE VITRY (A.C.S. Peugeot-Citroën Mulhouse), récente médaillée d’or par équipes aux championnats d’Europe, sélectionnée pour les championnats du Monde en – de 70 kg. Une titularisation bienvenue pour une athlète régulièrement classée à l’international cette saison, également championne de France en titre de la catégorie. C’est avec une pointe d’émotion que cette ancienne pensionnaire du Pôle France de Strasbourg, actuellement à l’INSEP, retrouve les lieux de ses débuts. « Je suis contente de revenir ici ! », confie la judokate tout sourire. « Surtout en tant que membre de l’Equipe de France ! Revoir mes anciens coaches, l’ambiance et tout le reste, ça fait super plaisir. Entre la toute première fois où je suis montée sur ce tapis du C.R.E.P.S. et maintenant, il y a une sacrée différence. Je n’avais presque pas de résultats à l’époque, et aujourd’hui, je prépare un championnat du Monde ! ». Un changement de statut, loin de lui prendre la tête. « Je suis quelqu’un de simple », précise-t-elle. « Cette évolution me rend fière bien sûr, mais je reste la même… ».

La mulhousienne a beaucoup progressé. Pour autant, elle garde la tête sur les épaules…

Et la voilà repartie au combat, invitée par une hollandaise. Après quelques minutes d’observation, c’est elle qui déclenche les hostilités, sur une action réaction. L’attaque n’aboutit finalement pas. Ce n’est que partie remise. Son adversaire se montre plus vive sur la saisie du kimono. Faire lâcher, puis reconstruire une nouvelle attaque. Déplacements, placement, plusieurs fois. Soudain, une ouverture. Tentative de o-soto-otoshi, la hollandaise tombe, sur le côté. Le combat n’est pas fini, il faut à nouveau aller au contact, faire mieux que précédemment. Attaquer sans relâche, ça use, forcément. « On sent qu’il y a de la motivation en face », indique l’Alsacienne, quelque peu essoufflée. « Les filles, elles cherchent à faire tomber. Du coup, s’entraîner aussi intensément devient constructif. On sait pourquoi on s’entraine si fort ! ». Et de préciser, « ma préparation se passe super bien. Je suis un peu fatiguée, mais nos horaires sont bien aménagés. J’aborde la prochaine échéance avec motivation et détermination, j’ai bien travaillé pour. Du coup, j’espère que ce sera positif ! ».

C’est ce qu’espère Sébastien GIRARDEY, le conseiller technique du Grand Est. « Agathe est à l’INSEP depuis un an maintenant, elle poursuit le travail. C’est une fille qui était déjà performante lorsqu’elle était junior 1. Elle est maintenant junior 3, on voit l’évolution, elle est bien. Sur ce stage, les athlètes effectuent les derniers ajustements. On leur propose de la quantité (six séances de randoris sur trois jours). Les judokas n’effectuent qu’un combat sur deux, cela leur permet de se gérer comme ils le veulent, et de ne pas se mettre dans le rouge. Surtout, on leur offre l’opportunité de rencontrer leurs futurs adversaires. Ce round d’observation est très instructif pour tous. Agathe saura en tirer parti, d’autant plus que les Europe individuels ne se sont pas trop bien passés pour elle. Elle aura donc à cœur de faire mieux au championnat du Monde ! ».

Au centre du tapis, convergent tous les regards. La nouvelle perle du judo français se montre appliquée dans ses postures, minutieuse à la garde, et s’avère dangereuse à la moindre accélération. Elle, c’est Romane DICKO (Randoris Club Villeneuve Roi). Encore cadette l’an passé, elle a remporté en novembre dernier (Montbéliard) son premier titre national chez les… seniors. Une surdouée. Mi-septembre 2017, elle s’offre un titre continental chez les juniors (+ de 78 kg). Sur les tatamis strasbourgeois, fidèle à son style, elle apparait étonnante de facilité, malgré son mètre quatre-vingt, enchaînant les attaques sur haraï-goshi. Impressionnante.

Bien que jeune, Romane DICKO étonne, tant par sa précocité que par son talent…

Le C.R.E.P.S. de Strasbourg, c’est la toute première fois qu’elle y vient. Et ce stage multi-nations, elle l’aborde avec enthousiasme. « C’est cool d’avoir autant d’étrangers, surtout juste avant les championnats du Monde ! », reconnait l’intéressée. « C’est bien de pouvoir changer de partenaires, et voir d’autres adversaires que ceux de l’INSEP. Changer de cadre, voir autre chose, ça fait du bien aussi. A haut niveau, on n’a pas trop le choix. Pour évoluer, il faut faire ce genre de stage, pour chercher la confrontation. C’est comme cela qu’on va de l’avant. Rencontrer des étrangers nous est profitable justement, surtout avant une échéance mondiale. Tous ont un judo différent par rapport au nôtre, cela nous permet de tester d’autres profils. On trouve des adversaires avec un judo plus dur, ou plus souple parfois, avec des gauchers ou des droitiers, il faut s’adapter en permanence. C’est super enrichissant, aussi bien au niveau judo que sur le plan humain ! ».

Pôle Universitaire, Espoirs ou France, tous y trouvent leur compte…

Chez les filles, comme chez les garçons, se côtoient des jeunes du Pôle Espoirs, Pôle France et Pôle Universitaire de Strasbourg, mais aussi des trois autres Pôles France (Orléans, Marseille et Bordeaux). Yacine DOUMA, le responsable du Pôle France masculin alsacien, voit dans ce partage et ces rencontres une formidable opportunité pour évoluer. « A l’origine, lorsque nous avons mis ce stage en place, c’était pour avoir de la confrontation avec les étrangers. Soit tu les déplaces, soit tu les fais venir. Les faire venir diminue les coûts, et profite à beaucoup de monde ! ». Et d’approfondir, « faire des randoris avec les étrangers permet de les démystifier, et par la suite de mieux appréhender les compétions internationales. Pour nos judokas du Pôle, ça leur permet aussi d’être en contact avec les meilleurs français. Sur trois journées, on leur propose six entrainements, ce qui constitue un gros volume de travail. Ils vont parfois se trouver en difficulté, devoir lutter contre la fatigue, douter. Et c’est ce qui va les faire progresser… ».

Pour Stéphane FREMONT, s’entraîner avec des étrangers constitue un socle essentiel dans la progression des athlètes…

Autre grande particularité, ce brassage entre les tous meilleurs juniors offre l’opportunité aux combattants de rencontrer leurs futurs adversaires. Un atout selon Stéphane FREMONT, responsable du parcours de performance fédérale et des Pôles France. « Ces rencontres permettent de faire progresser tout le monde, français et étrangers », observe-t-il. « Chacun apporte quelque chose à l’autre, ça sert à tous. Les étrangers ont cette capacité parfois à être plus agressifs, alors que nous, français, sommes plus dans recherche d’efficacité, la beauté du geste. Le judo des autres nations perturbe parfois nos jeunes, et les oblige à s’adapter ». Et de préciser, « en France, on essaye justement de mettre en place, sur l’ensemble de nos structures, une dynamique compétitive, en ciblant certains athlètes et en leur proposant une progression, incluant de la confrontation avec des étrangers, des stages avec les équipes de France à l’INSEP, mais aussi des compétitions internationales. L’idée est de les formater à ce à quoi ils vont être confrontés sur les évènements référence ».

Avec pareille préparation, reste à espérer de belles performances pour le groupe « France » aux Mondiaux. Le potentiel est là, tant chez les filles que chez les garçons. Mais face à la concurrence étrangère, l’audace et le talent ne suffiront peut-être pas. Les médailles ne seront pas simples à conquérir, mais celles qui le deviendront n’en seront que plus belles…

Entre les filles (en haut) et les garçons (en bas), ce sont pas moins de 290 judokas qui ont foulé les tatamis du C.R.E.P.S. de Strasbourg…

Ci-contre les sélections pour les championnats du Monde : Selection Juniors FSelection Juniors M