Deux délégations nationales (équipe masculine et équipe paralympique) étaient présentes cette semaine du 15 au 19 février 2021 au C.R.E.P.S. de Strasbourg. L’occasion d’aller à la rencontre de Cyrille MARET (- 100 kg), multiple champion de France, multiple médaillé Européen et Mondial (en individuel et en équipe), médaillé de bronze aux J.O. de Rio en 2016. Le Bourguignon d’origine, gravement blessé en octobre dernier (accident de scooter – luxation complète de la hanche avec arrachement ligamentaire), poursuit sa longue rééducation, avec volonté et courage. Et sa présence sur le tatami cette semaine, en kimono de surcroit, est une réelle surprise. Nous avons voulu en savoir plus sur sa préparation et ses objectifs, sachant que pour lui et les Jeux, rien n’est joué. Pour s’y qualifier, il lui faudra faire des résultats et engranger de précieux points s’il veut espérer passer devant son rival dans sa catégorie, Alexandre IDDIR. Le contre la montre est lancé…

Médaillé de bronze à Rio en 2016, Cyrille MARET espère à nouveau participer à l’aventure olympique. Mais la route est encore très longue…

Ton accident a été un choc pour tout le monde. Aujourd’hui, on te voit sur un tatami et en kimono, c’est assez inattendu. Où en es-tu actuellement dans ta préparation ?

C.M. : Ma blessure était relativement grave, et il est vrai que je ne pensais pas me retrouver sur un tapis de judo aussi rapidement, sachant que je n’ai lâché les béquilles que début janvier. Ça fait que très peu de temps que j’ai retrouvé l’usage de mes deux appuis. J’ai effectué un très gros travail sur la rééducation avec beaucoup de renforcement musculaire autour de mon articulation (hanche). Cela fait une dizaine de jours que je suis remonté sur le tatami à l’INSEP, sans oppositions mais avec beaucoup de travail d’uchi-komi et nage-komi, avec un peu de ne-waza, des choses que je peux faire aujourd’hui avec une reprise progressive. On a profité des vacances et de l’absence d’entrainement sur l’INSEP pour venir en stage sur Strasbourg. Je suis très agréablement surpris de voir un tapis aussi fourni avec une belle qualité. Nous savions qu’il y avait beaucoup de jeunes ici sur ce Pôle et c’est justement ce que nous sommes venus chercher. C’est une belle surprise et un grand plaisir d’avoir pareil environnement et, pour ma part, dans le cadre de ma reprise, c’est vraiment le top ! J’en profite du coup pour faire quelques confrontations avec les filles dans un travail de mobilité, et avec les garçons pour le sol. Je suis actuellement dans un processus très progressif avec, en ligne de mire, du moins je l’espère, pouvoir combattre sur le prochain Grand Chelem d’Antalya (TURQUIE) début avril. Mais ce sera sur avis médical.

 

Justement, on t’a vu sur de courtes séquences d’opposition, n’hésitant pas à mouiller sérieusement le kimono, en douceur malgré tout. Dans quel état d’esprit te trouves-tu aujourd’hui ?

C.M. : L’objectif est de retrouver mon intégrité physique complète, j’ai encore quelques petites douleurs au pied, genou et hanche, il reste des petits blocages. La rééducation n’est pas terminée, il va falloir encore de longues séances de renforcement musculaire pour retrouver l’ensemble de mes facultés motrices. Aujourd’hui, j’ai le bonheur de pouvoir effectuer mes tous premiers « randoris », et cette opposition, même si elle n’est pas intense, me permet de prendre conscience que même dans le déplacement, sur certaines attaques, mon corps suit, sans douleurs ni gêne particulière, c’est vraiment bénéfique ! Je prends là une belle bouffée d’oxygène, et me dis que c’est possible. Très franchement, à 33 ans, avec l’accident que j’ai eu, si je peux retrouver mes capacités et participer aux Jeux Olympiques, ce serait fantastique ! Bien entendu, la route est encore longue, il va y avoir entre temps de nombreux tournois et Grand Chelem, championnats d’Europe et du Monde (*). Si j’ai la possibilité de réaliser des performances sur ces échéances-là, alors je pourrais envisager de faire les Jeux. Mais ma priorité, pour l’instant, c’est vraiment de retrouver mon intégrité physique complète. Revenir à un niveau correct serait déjà une très belle victoire !

 

En cas de feu vert pour la Turquie, quels seraient tes objectifs ?

C.M. : Si l’avis médical est favorable et que je suis à 100%, je n’irais pas là-bas juste pour passer un ou deux tours ou faire de la figuration. L’objectif sera clairement d’aller chercher une médaille. Après, il faut aussi se dire que cela fait quatre mois sans judo, et que le travail pour revenir reste encore conséquent. Mais je ne me dis pas non plus que s’il n’y a pas de résultat en Turquie il n’y aura plus rien derrière. Il me faut de toute façon prendre les étapes comme elles viennent, au fur et à mesure. Faire la Turquie, ce sera déjà une belle chose, et un résultat m’ouvrirait les portes des Europe. Chaque chose en son temps.

 

En raison de la crise sanitaire, le calendrier international de cette année est inédit, avec un enchainement d’échéances capitales, Europe, Monde et Jeux sur une plage de quatre mois de mai à juillet, durant laquelle tu n’auras pas droit à l’erreur. Comment vas-tu aborder cela ?

C.M. : Pour des athlètes comme Clarisse ou Madeleine, qui sont déjà championnes du Monde, l’objectif suprême reste les Jeux. Pour moi, ces Jeux constituent plutôt une récompense. Pour y être, il me faudra une médaille aux Europe ou aux Monde, voire même un titre, ce sera un passage obligé. Au niveau des points, il me faut encore en engranger si je veux passer devant Alexandre IDDIR. Toutes les opportunités qui me seront offertes pour marquer des points constituent en soi des objectifs à atteindre. Cette année, ce sera compliqué pour tout le monde, on n’est pas habitué à faire des compétitions aussi importantes sur une plage aussi courte. Certains auront le privilège de faire l’impasse sur l’une ou l’autre échéance, mais ce ne sera pas mon cas. Et ça ne me fait pas peur du tout. Encore une fois, à 33 ans et avec ce que je viens de vivre, c’est que du bonus. J’aurai très bien pu arrêter ma carrière ou pire encore. Là, je profite pleinement de l’instant présent. Être sur ce tatami Strasbourgeois, partager avec les jeunes du Pôle, c’est inespéré et un immense privilège. Du coup, je n’aurai aucune pression sur les compétitions qui vont arriver, ce ne sera que du « plus ». Maintenant, et comme tout compétiteur, participer à des Europe ou des Monde, ce n’est pas pour y faire de la figuration. Si je décide d’y aller, avec bien entendu l’aval du staff médical et technique, ce sera pour être le meilleur possible. Je sais qu’actuellement j’ai les capacités de réussir ce challenge. Si le corps et la tête suivent, tout est envisageable…

(*) Échéances internationales séniors pour Cyrille, sous réserve d’avis médical puis de résultats :

– 01/04 au 03/04 :       Grand Chelem d’Antalya (Turquie)

– 16/04 au 18/04 :       Championnats d’Europe (Portugal)

– 08/05 au 09/05 :       Grand Chelem de Paris (France)

– 06/06 au 13/06 :       Championnats du Monde (Hongrie)

– 24/07 au 31/07 :       Jeux Olympiques de Tokyo (Japon)

A Strasbourg, Cyrille y trouve un cadre parfaitement adapté pour sa rééducation. L’occasion pour lui de retrouver ses marques, ses appuis, de gagner progressivement en confiance, tout en cultivant sa bonne humeur !!! On lui souhaite le meilleur pour la suite…

Pour aller plus loin :